Pourquoi les gens font des photos de merde
Comme dirait Max Bird, reprenons depuis le début.
Oui, tout le monde fait des photos de merde. Vous, moi, votre petit neveu de quatre ans et demi et Yann Arthus Bertrand. On pourrait penser que la différence entre les cadors du genre et le commun des mortel est le matériel. C’est vrai, mais pas que.
Le regard du photographe a aussi un énorme impact, que ce soit pour prendre un selfie dans les chiottes à 3h du mat' ou pour faire un shooting en studio. Quel que soit le but recherché et le matos utilisé les « bons » repéreront direct les détails qui tuent que personne d’autre n’aurait remarqué, chercheront le bon point de vue, le bon angle de vue, la bonne lumière, les réglages adéquats etc, tandis que les « mauvais » se contenteront d’une bouche en cul de poule, d’un miroir, d’un bon gros flash de téléphone et de remonter les fesses en arrière comme si leur vie en dépendait.
Ah et les rides sur le front, très à la mode pour faire comme dans les pubs, sauf qu’à part Johnny Depp et quelques autres rares élus jouant dans de célèbres westerns tout le monde a l’air con avec cette tête.
Désolé, fallait bien que quelqu'un te le dise.
Le matos donc.
Effectivement ça a son importance aussi. Mais pas que, pouët.
Si vous prenez un 5D Mark III et un 24mm série L et que vous laissez tout en automatique il fera sensiblement les mêmes photos que votre téléphone, il prendra juste plus de place, dans votre poche comme sur vos disques durs. Tout l’intérêt du bon matos est – évidemment, mais il est toujours bon de le rappeler pour ceux qui n’écoutent pas, au fond – d’avoir la totale maîtrise de son image. Ouverture du diaphragme, temps d’exposition, sensibilité, lumière (oui oui, beaucoup l’oublient mais on peut aussi influer sur la lumière de la scène qu’on a en face de nous), résolution, format du fichier enregistré, collimateur, focale, choix de l’objectif, stabilisation interne comme externe, et j’en passe.
Vous aurez beau chercher toute la nuit il y a peu de chances pour que vous puissiez gérer tout ça sur votre téléphone, même avec le tout dernier qui est capable de générer 3628 émoticônes toutes plus nazes les unes que les autres et qui – accessoirement – coûte plus cher que le tout dernier reflex haut de gamme du marché.
Donc du matos oui, mais pas en mode automatique !
Sur le web on voit encore trop de selfies flous et de photos de vacances toutes moisies faites avec des engins pourtant performants. C’est d’un décourageant pour nous autres photographes, vous n’avez pas idée. D’autant plus lorsque tonton Roger vient vous dire que les photographes professionnels ne servent à rien, tout en brandissant l’appareil dernier cri à 4000 boules réglé sur le mode Auto et que cet hérétique alcoolisé prend tout le monde en gros plan avec un gros flash sa mère. Après vous avez des populations entières de gens qui viennent vous dire qu’ils sont « moches sur toutes les photos » et qu’ « il vaut mieux que vous visiez quelqu’un d’autre » ou même qui se cachent et mettent les mains devant l’objo… Si ce n’est pas affligeant tout de même !
A l’inverse on peut tout à fait faire de superbes clichés avec un compact de supermarché à 50 balles (je suis bien placé pour vous le dire, regardez donc comme Matthias et Rudolf ont l'air contents !), les différences avec du bon matériel étant le confort, le format d’image (JPEG obligatoire plutôt que RAW), le contrôle sur les réglages et évidemment la qualité finale. C’est comme couper un arbre avec un canif : c’est possible, mais tant qu’à choisir on préférera du matos adapté (ce qui marche également dans l'autre sens, n'allez pas cueillir des fleurs avec une tronçonneuse).
Les réglages
Pour trouver les bons réglages adaptés à chaque situation instantanément, il n'y a pas de secret : il faut pratiquer. Connaître son appareil sur le bout des doigts de façon à ne pas se servir en permanence de l'écran arrière (ça économise la batterie de façon assez dingue d'ailleurs), pouvoir faire ses réglages avec l'oeil dans le viseur sans chercher les boutons pendant trois plombes (et dans le même temps manquer un éventuel moment clé du shooting), et se confronter à des situations parfois inconfortables, ce qui vous pousse à explorer instantanément des possibilités que vous n'auriez même pas imaginées en shootant la sieste de votre chat dans le salon.
Quatrième point, et pas des moindres : le tri !
Effectivement si tout le monde, de tonton Roger aux prodiges de la photo, prend des photos pourries (tout le temps pour l’un et occasionnellement pour l’autre, mais la question reste la même), ils ne les partagent pas de la même façon ! On oublie trop souvent qu’il vaut mieux 10 photos superbes que 2000 photos de merde, le tri fait donc partie intégrante du processus. Entre les floues, les mal exposées, les gens qui bougent pile quand on déclenche, les moches, celles qui ne mettent pas les gens en valeur, les mal cadrées, les doublons, etc... Il y a de quoi faire ! Seulement les bons ne montreront que quelques unes de leurs plus belles photos (même pas tout, car parfois une seule suffit), alors que tonton Roger vous mettra les 2584 photos en HD de l’anniversaire de la petite sur un DVD, et qu’il va tout falloir regarder avec lui et son paquet de clopes. Et quand vous mettez 25 selfies quasi identiques sur Fesse Bouc, l’idée est la même. Tant qu’à prendre de la merde, n’en partagez qu’une seule, l’Humanité n’en se portera que mieux.
Cinquième point : le post-traitement
Non mamie, rien à voir avec La Poste (applaudissements s’il vous plaît).
Un « bon », après avoir drastiquement trié ses photos (ou avant, c’est selon... Ou même avant PUIS après, comme moi), les passera dans un logiciel de traitement pour restituer avec le plus de fidélité possible ce qu’il a eu devant son objectif.
Pour rappel, la retouche photo (ou le développement, c’est comme que c’est vous qui voyez, toi) est la correction de l’interprétation de l’image faite par défaut par le boîtier. Or un appareil n’a pas précisément le même regard sur une scène qu’un œil humain, il convient donc de corriger cette différence avec des logiciels comme Lightroom, DXO, Darktable, Raw Therapee, UFRaw ou autres (on ne parle ici pas de bidouille Photoshop, faire des retouches ou faire un montage photo n'a rien à voir).
L'avantage du format RAW par rapport au format JPEG est justement d'enregistrer un maximum d'informations lumineuses disponibles au moment de la prise de vue, ainsi la retouche consiste à choisir lesquelles garder au final. Les corrections n'altèrent pas la photo de base, on peut davantage voir ça comme un tri d'informations plus précis que ce qu'aurait fait le boîtier par défaut.
Voili voilà, vous avez désormais des pistes concernant le « j’ai le même appareil que ce mec et je fais de la daube », ou encore « je prends des photos avec mon smartphone hors de prix et je n’ai pas la même qualité que ce gars qui prend trois boîtiers à 4000 balles pièce et dix kilos d’objectifs pour un shooting, comment se fait-ce ? ».
Faire de la photo est un métier à part entière (qui mérite salaire, oui oui), mais faites un effort bordel. Ou alors demandez à un photographe de faire un shooting pour votre photo de profil ou votre annonce LeBonCoin, mais on ne peut pas continuer ainsi, les filtres Instagram ont leurs limites et ne font pas de n’importe qui un chasseur d’images digne de ce nom.
Mettez-vous à la place des autres deux minutes, c'est quand même dommage de faire saigner les yeux de chaque personne qui consulte votre profil avec des photos irregardables (spéciale dédicace à Babor) alors qu'il y a certainement une demi-douzaine de jeunes photographes débutants dans votre patelin qui ne demandent qu'à se faire la main avec un modèle également débutant (ou pas d'ailleurs).
Vala vala, débrouillez-vous, mais faut arranger ça.
Allez, à plus.